Tumeurs carcinoïdes
Diagnostic anatomopathologique

L’analyse histologique de ces tumeurs a un intérêt majeur, car elle permet à la fois d’établir le diagnostic et le pronostic. En effet, les seuls critères distinctifs actuellement connus permettant la stratification des patients selon la prédiction de la survie sont l’index mitotique et/ou l’existence d’une nécrose focale, ce qui permet de séparer les CT de bon pronostic des CA de plus mauvais pronostic.

Basée uniquement sur des critères histologiques, la distinction entre CT et CA ne peut se faire avec certitude que sur la pièce opératoire de la tumeur primitive. Elle est beaucoup plus hasardeuse sur de simples biopsies bronchiques et a fortiori sur du matériel cytologique. C’est la raison pour laquelle le terme « tumeur carcinoïde NOS » a été introduit dans la nouvelle classification OMS 2021, afin de nommer une tumeur carcinoïde à partir de petites biopsies ou en cas de tumeur carcinoïde métastatique. L’index mitotique, la présence/absence de nécrose et l’index Ki-67 doivent néanmoins être décrits pour ces tumeurs métastatiques.

L’utilisation de l’index de prolifération Ki-67, validée en routine pour la classification des TNE digestives, n’est actuellement pas indispensable pour distinguer les CT des CA, mais il peut être utile pour les différencier des NNE de haut grade (CNEGC et CPC) sur des fragments biopsiques de petite taille. L’OMS propose, sur avis d’expert, de retenir en général un seuil d’index de prolifération Ki-67 inférieur à 5 % dans les CT et inférieur à 30% dans les CA (1).

Histologiquement, il s’agit de tumeurs à architecture organoïde associant des aspects insulaires, trabéculaires ou des pseudo-rosettes. La taille des nucléoles et le pléiomorphisme sont plus marqués dans les CA, mais ceci ne représente pas un critère différentiel. Dans les deux types de tumeurs, le stroma est richement vascularisé et présente parfois des transformations hyalines et des dépôts amyloïdes. Les calcifications et ossifications sont rencontrées dans 10 à 25% des cas. Sur le plan ultra-structural, les deux types de carcinoïdes contiennent de nombreux granules neuro-sécrétoires à corps denses aisément identifiables en microscopie électronique, qui n’est toutefois pas un examen à réaliser en routine.

En immunohistochimie, les carcinoïdes expriment les cytokératines, comme les autres tumeurs épithéliales bronchiques. Les marqueurs neuroendocrines sont présents dans tous les carcinoïdes. Les plus utilisés pour le diagnostic sont la chromogranine A, la synaptophysine, ainsi que NCAM/CD 56, exprimé par tous les carcinoïdes, alors qu’il ne l’est pas dans les adénocarcinomes papillaires et les hémangiomes sclérosants qui peuvent présenter des difficultés de diagnostic différentiel. En revanche, le Thyroid Transcription Factor 1 (TTF1) est nettement moins fréquemment exprimé par les tumeurs carcinoïdes (souvent positif en cas de tumeur périphérique, souvent négatif en cas de tumeur centrale), que par les CNEGC et les CPC (109). Il semble également que les tumeurs carcinoïdes bronchiques n’expriment pas (11) ou rarement (110) le PD-L1.

La présence d’une dissémination aérogène (ou STAS pour Spread Through Air Spaces) est corrélée à un haut grade, un Ki67 élevé, une angioinvasion et un statut N+ (ces critères histologiques devant figurer dans un compte rendu de résection) (111,112). La valeur pronostique de marqueurs comme le CD44, OTP (marquage nucléaire) (113) ou encore de Ki67 est à confirmer (114).

La recherche de MGMT (méthyl-guanine methyl transférase) en immunohistochimie sur la tumeur pourrait aider à la détermination de la stratégie thérapeutique dans l’avenir (la surexpression est un facteur de moindre réponse aux alkylants en cancérologie neurologique). L’analyse de la méthylation du gène semblerait plus pertinente dans les TNE digestives (la méthylation de MGMT pourrait être un facteur prédictif de réponse aux alkylants) (115).

L’analyse en biologie moléculaire des tumeurs carcinoïdes retrouve une charge mutationnelle bien plus faible (<1Mut/Mb) (116) que dans les CNEGC et les CPC. Sur le plan qualitatif, l’altération des gènes impliqués dans le remodelage de la chromatine et la méthylation des histones tels que MEN1, PSIP1 ou ARID1A est un évènement fréquent dans les carcinoïdes (117), alors que les altérations intéressant P53 ou RB1 sont surtout retrouvées dans les CPC et celles de STK11/KEAP1/KRAS dans certains CNEGC (40,118). Enfin, pour ce qui concerne les cibles activables, à notre connaissance aucune mutation activatrice d’EGFR n’a été décrite dans les carcinoïdes métastatiques. En revanche, plusieurs cas de TNE métastatiques porteurs de réarrangements ALK et un cas porteur de fusion de RET sont décrit avec une efficacité des inhibiteurs de tyrosine kinase (119–124).  Il semble donc légitime de recommander une analyse de biologie moléculaire (ALK au minimum) devant des TNE métastatiques au-delà de la première ligne.

Enfin, plusieurs cas de tumeurs carcinoïdes pulmonaires ayant la morphologie de tumeurs carcinoïdes mais de plus mauvais pronostic ont été décrits. Bien qu’ayant un aspect morphologique de carcinoïdes, ces tumeurs partagent des anomalies moléculaires communes avec les CNEGC (125). Ce sous-groupe a été nommé « supra-carcinoïde » par certains auteurs et pourrait se rapprocher du groupe des TNE digestives de grade 3. Il n’est néanmoins pas reconnu dans la dernière classification OMS 2021 des NNE pulmonaires (126). Rubino et al (127) ont étudié l’évolution de patients porteurs de tumeurs avec une morphologie de carcinoïde mais avec un Ki67>20% et/ou un index mitotique >10/2mm². Ce groupe représente 6% des tumeurs carcinoïdes bronchiques dans leur série rétrospective française bi-centrique de 514 patients. Leur pronostic semble bien plus défavorable que les autres carcinoïdes, mais peut-être meilleurs que le CNEGC. Leur réponse aux traitements systémiques semblerait plus proche de celles des tumeurs carcinoïdes (meilleure réponse aux analogues de la somatostatine, à l’évérolimus et à la radiothérapie interne vectorisée) que celle des CNEGC, avec une inefficacité de l’association sels de platine-étoposide.

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Références

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