Tumeurs carcinoïdes
Bilan clinique et diagnostique

Clinique

Le mode de présentation clinique dépend de la localisation de la tumeur dans l’arbre bronchique. Les carcinoïdes se développent préférentiellement au niveau des bronches souches et lobaires, plus rarement au niveau de la trachée, ce qui explique que les symptômes de découverte sont par ordre de fréquence décroissante : l’hémoptysie (18%), la pneumopathie obstructive (17%), la douleur thoracique et la dyspnée. Plus fréquemment (dans 30 à 50% des cas selon les séries), les carcinoïdes sont découverts de manière fortuite en raison de leur développement périphérique. Enfin, les carcinoïdes bronchiques peuvent survenir dans un contexte de DIPNECH (Diffuse Idiopathic Pulmonary Neuroendocrine Cell Hyperplasia) considérée comme une lésion prénéoplasique dans la classification WHO 2015, et qui se caractérise sur le plan histologique par une hyperplasie neuroendocrine diffuse de la muqueuse bronchique associée à des tumorlets, chez des patients symptomatiques (toux chronique, dyspnée, trouble ventilatoire obstructif) ou non (79).

L’association avec un syndrome carcinoïde est rare au diagnostic (moins de 10% des cas), mais plus fréquente au stade métastatique (entre 20 et 40% des cas) et représente un facteur de mauvais pronostic (80). En cas de suspicion de syndrome carcinoïde, ou de présence d’une maladie métastatique d’emblée (même asymptomatique), il faut réaliser des prélèvements biologiques de 5-HIAA sur les urines de 24 heures qu’il faut réitérer à 2 ou 3 reprises, et en respectant les consignes alimentaires (pas de banane ni chocolat). Le syndrome carcinoïde correspond à l’excès de production de sérotonine dans la circulation systémique et se rencontre en cas de métastases hépatiques ou lors de volumineuse tumeur bronchique primitive directement branchée sur la circulation systémique, c’est-à-dire dans toute situation où l’excès de production de sérotonine plasmatique ne peut pas être dégradé par le foie (effet de premier passage hépatique). Ses manifestations comportent l’association d’un flush localisé au visage et au cou et de diarrhées motrices, parfois associés à une bronchoconstriction. Les syndromes carcinoïdes d’origine bronchique s’accompagnent plus fréquemment de larmoiement et d’hyper sialorrhée que dans les autres TNE. Ces manifestations sont soit spontanées soit le plus souvent provoquées (stress, absorption d’alcool, de chocolat) et se compliquent une fois sur deux au fil du temps d’une atteinte cardiaque (cardiopathie carcinoïde) le plus souvent droite se manifestant sous la forme d’une insuffisance cardiaque droite à débit conservé par fibrose de la valve tricuspide associée ou non à une atteinte de la valve pulmonaire. Les seuls facteurs biologiques prédictifs et/ou pronostiques connus de survenue de cœur carcinoïde sont l’existence d’un syndrome carcinoïde clinique ou plus rarement un taux de 5HIAA >2N sans manifestations cliniques associées (81).

Enfin l’association avec un syndrome de Cushing ou une acromégalie est exceptionnelle (2% des carcinoïdes bronchiques). Elle peut être suspectée devant une hyperglycémie ou une hypokaliémie associée(s) à la tumeur.


Imagerie

L’aspect radiologique est celui d’une atélectasie en cas de localisation centrale, ou d’une masse périphérique unique parfois calcifiée (10% des cas) et à contour bien défini, en cas de localisation périphérique. La présentation sous forme de nodules périphériques multiples est exceptionnelle, mais doit être connue (84).

  • Imagerie des récepteurs à la somatostatine (IRS)
    La scintigraphie aux analogues de la somatostatine (ASM) (l’octréotide-indium 111, octréoscan), utilisée depuis 20 ans est restée jusqu’à il y a peu l’examen de référence dans l’exploration scintigraphique des tumeurs carcinoïdes.
    Dans une étude publiée en 1998, l’utilisation d’octréotide couplé à l’indium 111, détectait toutes les tumeurs primitives et l’ensemble des ré-évolutions métastatiques (85), et d’une façon générale environ 80 % des tumeurs primitives (surtout CT) fixent à la scintigraphie aux ASM.
  • Imagerie TEP-FDG
    L’affinité des carcinoïdes bronchiques pour le Fluorodésoxyglucose (FDG) est par contre faible avec une Standard Uptake Value (SUV) de 4 en moyenne et inconstante puisque la sensibilité de la TEP-FDG était évaluée récemment à 67% dans une série rétrospective de 97 patients(88).
  • Endoscopie
    En cas de tumeur centrale, l’aspect endoscopique classique est celle d’une tumeur framboisée, ou couleur chamois, souvent spontanément hémorragique ou saignant au moindre contact, ce qui doit rendre l’opérateur prudent vis-à-vis du risque hémorragique.
    La fibroscopie bronchique pourra être complétée par une écho-endoscopie, bien que l’intérêt de cette technique n’ai pas été spécifiquement évaluée dans les carcinoïdes, pour préciser la réalité d’une extension ganglionnaire médiastinale.
    Dans 30 à 50 % des cas, la tumeur a une présentation périphérique, inaccessible à l’endoscopie. Dans ces situations, le diagnostic peut être réalisé par ponction transpariétale ou plus fréquemment, par thoracotomie exploratrice.

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Références

74. Halperin DM, Shen C, Dasari A, Xu Y, Chu Y, Zhou S, et al. Frequency of carcinoid syndrome at neuroendocrine tumour diagnosis: a population‐based study. Lancet Oncol. avr 2017;18(4):525‑34.

77. Spaggiari L, Veronesi G, Gasparri R, Pelosi G. Synchronous bilateral lung carcinoid tumors: a rare entity? Eur J Cardiothorac Surg. août 2003;24(2):334; author reply 335.

78. Musi M, Carbone RG, Bertocchi C, Cantalupi DP, Michetti G, Pugliese C, et al. Bronchial carcinoid tumours: a study on clinicopathological features and role of octreotide scintigraphy. Lung Cancer. nov 1998;22(2):97‑102.

79. Skoura E, Michopoulou S, Mohmaduvesh M, Panagiotidis E, Al Harbi M, Toumpanakis C, et al. The Impact of 68Ga‐DOTATATE PET/CT Imaging on Management of Patients with Neuroendocrine Tumors: Experience from a National Referral Center in the United Kingdom. J Nucl Med. janv 2016;57(1):34‑40.

80. Deppen SA, Liu E, Blume JD, Clanton J, Shi C, Jones‐Jackson LB, et al. Safety and Efficacy of 68Ga‐DOTATATE PET/CT for Diagnosis, Staging, and Treatment Management of Neuroendocrine Tumors. J Nucl Med. mai 2016;57(5):708‑14.